La FSU était invitée le 23 septembre à un webinaire de l’association Français du Monde - ADFE sur l’enseignement français à l’étranger. Vous trouverez ci-dessous le contenu de notre intervention.
Comme tout le monde, nous espérons tourner la page d’années éprouvantes pour le réseau. Outre la crise COVID, de nombreuses crises sécuritaires (au Sahel, en Ethiopie, Haïti) culminant en Europe avec la guerre en Ukraine, n’ont pas fini de laisser des traces. Ces crises ont touché bien entendu les individus, les familles, la population scolaire. En termes de RH, ce sont des années particulièrement éprouvantes pour l’ensemble des personnels. Malgré tout cela, le réseau a tenu, faisant souvent montre d’une solidarité exceptionnelle. C’est aussi pour cela qu’il faut un réseau fort et aussi stable que possible. Malheureusement, les projets politiques actuels font que ce n’est pas le chemin pris.
Avant la crise COVID, l’opérateur public était déjà doté de l’objectif présidentiel CAP 2030 (doublement des effectifs à l’horizon 2030). Rappelons quand même et peut-être surtout, qu’à l’été 2017, l’opérateur public s’est vu appliquer une annulation de crédit d’environ 10 % de sa dotation, entraînant un plan d’économies sans précédent et la fermeture de 10 % des postes de détaché.es.
Aujourd’hui, l’objectif CAP 2030 entraîne une marche forcée vers toujours plus d’élèves sans tenir compte des principes du service public et de ses règles. L’homologation facilitée permet la création et l’extension d’établissements partenaires et entraîne souvent une précarisation des personnels en termes de rémunération, de droits et de statut. On peut s’interroger sur le sens et l’utilité de ces nouveaux établissements, y compris en termes de diplomatie d’influence. La plus-value des établissements de l’AEFE jusqu’à ces dernières années était les personnels titulaires détachés en nombre. Cette plus-value est en train de disparaître peu à peu au fil de la fermeture de postes et des difficultés de détachement. Ainsi, le réseau d’établissements en gestion directe et conventionnés se retrouve en concurrence directe avec les établissements partenaires privés et cette concurrence autrefois redoutée mais combattue est aujourd’hui organisée par l’opérateur public, dont ce n’est évidemment pas le rôle.
Dans la même ligne, la loi Cazebonne a ainsi modifié les missions de l’opérateur public en attribuant officiellement à l’Agence une mission qui consiste à organiser sa propre perte : beaucoup de moyens budgétaires et humains sont affectés à CAP 2030 au détriment du réseau historique et de son fonctionnement. C’est une manière de fragiliser le réseau. En ce qui concerne la formation par exemple, une grande partie des moyens attribués aux Instituts Régionaux de Formation (IRF) seront consacrés avant tout aux personnels néo recrutés.
La réécriture du décret 2002-22 sur la situation administrative des personnels détachés lors de l’année écoulée a été, pour la FSU, un rendez-vous manqué pour les personnels. Cela aurait dû être une occasion pour réparer des injustices de longue date, comme les indemnités statutaires qui ne sont pas versées à certains personnels titulaires. Occasion manquée étalement pour une remise à plat de l’avantage familial des personnels, pour viser une véritable prestation familiale.
Il faut effectivement rappeler ici que toutes les mesures de type indemnitaires doivent être transcrites à l’Agence (ex le Grenelle de l’éducation RIEN). Cette situation comme d’autres blocages sont autant de freins au recrutement de personnels détachés, qui subit une crise de vivier inédite.
Pour information la FSU, en intersyndicale, appelle à la grève pour les rémunérations des personnels le 29 septembre dans l’ensemble du réseau.
à cela :
• La question de l’attractivité (un niveau des indemnités insuffisant dans de nombreuses zones). Certaines zones n’attirent plus, les difficultés de recrutement en France entraînent des refus de détachement notamment dans le premier degré.
• Le bornage des détachements. Depuis que le Ministère de l’Education Nationale a imposé, en 2019, la limitation (le bornage donc) des détachements à 6 ans, depuis les personnels déjà en poste à l’époque refusent toute mobilité. Le bornage a “exporté” les problèmes de recrutement que connaît l’Éducation nationale en France : les viviers se sont appauvris, aussi bien pour les formateurs (ex expatriés) que pour les autres enseignants (ex résidents), dans toutes les zones y compris proches. Le bornage est un facteur aggravant pour l’attractivité des postes dans le réseau de l’étranger. Les postes, quand ils sont pourvus, le sont de moins en moins par des titulaires : cela rompt l’équilibre entre les divers catégories de personnels qui permettait le bon fonctionnement des établissements ; et cela ne répond pas aux attentes des familles dans un contexte concurrentiel. Le lien avec le système d’enseignement français s’en trouve distendu, ce qui va à l’encontre des missions de service public dévolues à l’AEFE et des principes de rayonnement qui sous-tendent la volonté présidentielle à travers le plan Cap 2030.
L’augmentation des personnels de droit local (par rapport aux personnels détachés) entraîne également de nouvelles difficultés que personne ne maîtrise. Nous le voyons aujourd’hui avec les phénomènes d’inflation à travers le monde (à 2, voire à 3 chiffres dans certains pays), mais aussi par rapport à certaines crises. En ce sens, les aides de l’Etat en période COVID ont bien montré qu’en cas de nécessité, c’est sur l’Etat que tout le monde veut se reposer. Mais à terme, ce système ne peut être viable.
La pension civile des personnels détachés, voilà un bon exemple d’injustice. Cela fait des années que le budget de l’opérateur public est mis à mal par le CAS pension (part patronale pension civile des personnels détachés). Chaque année les montants augmentent. Pour les détachés directs (hors opérateur public) l’employeur ne paye pas cette part patronale (ou la paye déjà dans le pays d’accueil souvent à des taux moindres) mais la charge en revient bien à l’Etat quant il s’agit de faire valoir les droits à pension de ces personnels. C’est une injustice totale pour l’établissement public !
Au-delà et parmi les grands enjeux et défis qui se posent à l’enseignement français à l’étranger, on peut évoquer évidemment la poursuite du travail fait sur l’école inclusive (notamment en termes de renforcement des équipes), mais aussi l’enjeu du climat. De nombreux établissements sont dans des zones à température élevée et n’ont pas forcément des locaux adaptés. On peut évoquer également les enjeux du climat et de l’environnement, et en particulier une attention accrue à des sujets comme l’empreinte carbone, le recyclage, l’eau, et bien d’autres sujets.
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